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Cette pièce d’Ingmar Bergman, dont la force apparait plus puissante que son film de 1984 dont elle est tirée, relève d’une cérémonie du mensonge transgressif auquel seul le Théâtre peut se permettre de nous faire croire. Nous assistons au spectacle du Théâtre raconté par lui-même, les artistes glissant de cour à jardin sur les regards furtifs qu’ils jettent aux miroirs de nos vies et de celles de leurs personnages.

Henrik se retrouve dans sa loge après la répétition. Il réfléchit à sa mise en scène. La jeune comédienne Anna vient perturber sa quiétude et engage avec lui un pas de deux émouvant et tragique où l’amour se confond à la séduction, le désir à la confidence, comme le bien au mal.

Le passé ressurgit. Rakel, la mère d’Anna, célèbre comédienne décédée, traverse les discussions entre sa fille et celui qui fut l’amant de sa mère. Rakel apparait sur le plateau et entreprend avec Henrik un échange houleux où reproches et désirs s’entremêlent.

Est-ce un songe, celui qu’Henrik aurait eu peut-être s’il avait fait sa sieste quotidienne ? Est-ce le mensonge coloré qu’il révèle à Anna pour couper court à cette relation naissante, destructive si elle ne se tait pas ? Est-ce un savant mélange troublé de deux réalités montrées en parallèle, se moquant de la temporalité mais s’imposant dans le même espace ?...

Qui sait ?... Faut-il le savoir ?

Il y a toujours un plaisir impatient à se laisser engloutir dans les antres du Théâtre, se laisser prendre dans ce torrent de délices de sensations. Ressentir, réfléchir, aimer ou haïr par truchement.

Vivre juste quelques instants dans les entrailles de ces mises en abyme aux multiples facettes qui avec elles, entrainent celles des comédiens et de leurs paradoxes. Ceux-là même qui déjouent en les jouant les rouages de leurs doutes, de leurs fragilités et de leurs dévotions passionnées à cet art.

Art ô combien royal parmi les arts tant il est des plus vivants qu’il soit dans la représentation de la vie et la transcendance de la mort, de la crudité du réel et de la nudité de ses images. Nos fantasmes et nos désirs, nos peurs et nos aspirations, nos combats et nos valeurs, tout ce qui est « nous » peut se voir représenter alors.

La mise en scène de Nicolas Liautard fait le choix d’une épure de moyens, d’un dépouillement qui concentre notre regard et de notre écoute sur les comédiens et les relations entre les personnages, eux-mêmes pris dans la représentation d’un imaginaire sans linéarité, sans autre importance que les émotions échangées. Un travail de direction de jeux précis. La flagrance voire l’urgence dans les propos, les voix épurées d’effets, parfois sonorisées pour troubler plus encore les sensations parmi les images, le présent avec le passé, le vrai avec le faux.

L’ensemble nous emporte dans une échappée belle, dans une envolée poétique et mystique.

Les trois comédiens Sandy Boizard (impressionnante et pathétique Rakel), Nicolas Liautard (crédible et déroutant Henrik, metteur en scène amoureux éperdu du Théâtre plus que des humains) et Carole Maurice (espiègle et émouvante Anna dans la quête de sa perte) nous offrent des jeux simples et sincères, intenses et sensibles. Ils nous touchent, nous rusent et nous plaisent.

Un spectacle captivant et agréable au service d’une partition de Bergman riche et prenante. Superbe !

 

D’Ingmar Bergman. Mise en scène de Nicolas Liautard. Lumières de Magalie Nadaud. Son de Thomas Watteau.

Avec Sandy Boizard, Nicolas Liautard et Carole Maurice.

 

Du mardi au samedi à 20h30 et le dimanche à 16h30 – Cartoucherie, Route du Champ de manœuvre, Paris 12ème – 01.43.28.36.36 – www.la-tempete.fr

- Photo © Robert de Profil -

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