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Ce spectacle est un délice musical et poétique rare. Il réussit cette alliance iconoclaste entre l’âpreté des sons, l’éclat des envolées instrumentales de Stravinsky et la parole lyrique voire métapoétique de « l’extrêmement particulier » de Ramuz.

Couleurs surréalistes et jeux envoutants s’entremêlent pour nous conter cette Histoire du soldat comme un voyage riche en péripéties symboliques où le combat faustien entre la vie et la mort se rejoue une nouvelle fois.

Ce mimodrame est créé en 1918 dans une suisse calme et accueillante où la rencontre d’Igor Stavinsky avec le poète vaudois Charles Ferdinand Ramuz a permis ce chef-d’œuvre de pièce musicale à l’antiromantique crissant et criant, d’une beauté franche et directe. Conçu pour être joué par un théâtre forain ambulant, il donne à voir et entendre un spectacle d’un genre nouveau qui contribuera à la naissance du théâtre musical au 20ème siècle.

Cette pièce réunit trois binômes (marquant l’aigu et le grave) d’instruments de l’orchestre symphonique (cordes, bois, cuivres) et les percussions. Trois comédiens utilisant parfois le « sprechgesang » (voix parlée et rythmée non chantée, écrite sur la partition), une danseuse et un chef d’orchestre complètent la distribution... Non ! Il n’y a pas de « bateau à voiles » ! Le réalisme poétique de Prévert n’a pas encore été inventé…

Le soldat Joseph, en permission, vend son violon, représentant son âme, au diable contre un livre magique qui prédit l’avenir. Il doit combattre la duperie diabolique, la veulerie démoniaque et la folie de l’argent venin pour tenter de trouver dans l’amour d’une princesse, une part de bonheur. L’histoire dit s’il réussit ou pas sa quête mais c’est à la fin du spectacle, il faut attendre de le voir pour savoir, car il faut le voir !...

Il y a comme une sensation de pureté dans cette partition de Stravinsky que ces huit musiciens nous font très bien partager. Précision et clarté des attaques, justesse des tenues et des accords dont les dissonances parsemées aiguisent avec adresse les situations tendues, évaporées jouées ou dansées. L’ensemble musique/texte/sprechgesang/danse nous enveloppe et nous emporte dans une forme poétique où les images et les sons se conjuguent pour que les scansions et les émotions prédominent. Les couleurs explosent au rythme des sons qui surgissent. Les sensations nous envahissent.

La mise en scène de Stéphan Druet semble privilégier la simplicité dans la représentation de l'histoire dont la dimension visuelle s’harmonise pleinement au texte et à la partition, laissant à la richesse de la musique le soin de faire son œuvre, d’entreprendre le spectateur, de le charmer et l’étourdir. Les effets musicaux rendus par les doubles voire les triples jeux de textes en parallèle sont bienvenus dans cet univers proche de l’onirique.

Les sept musiciens et le chef de l’orchestre-atelier Ostinato sont remarquables d’aisance, de virtuosité et de fluidité.

Les comédiens sont superbes. Claude Aufaure est un éblouissant récitant au jeu subtil, plein de charme et de classe. Licinio Da Silva, le parfait mauvais diable qu’on aime à haïr comme il convient. Fabian Wolfrom, crédible en soldat qui sait nous séduire pour le plaindre sans pouvoir l’aider.

La danseuse Aurélie Loussouarn nous ravit de son expressivité, nous offrant une pause de velours farouche dans l’histoire.

Un spectacle pour les joies de la découverte ou des retrouvailles d’un chef-d’œuvre trop peu souvent joué. Un pur régal. Un grand plaisir. Je recommande vivement.

 

De Ramuz Et Stravinsky. Mise En Scène Stéphan Druet. Assistant à la mise en scène et chorégraphies Sebastiàn Galeota. Direction Musicale Jean-Luc Tingaud. Chefs D’orchestre Olivier Dejours et Loïc Olivier (en alternance). Costumes Michel Dussarat. Lumières Christelle Toussine. Peinture murale Laurence Bost.

Avec Claude Aufaure, Licinio Da Silva, Aurélie Loussouarn, Fabian Wolfrom et l’orchestre-atelier Ostinato.

 

Du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 15h00 – 75 boulevard du Montparnasse, Paris 6ème – 01.45.44.40.21 – www.theatredepoche-montparnasse.com

- Photo © Brigitte Enguerand -

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